Notre-Dame de Boulogne stationne à Réaumur le 7 novembre 1943

Notre-Dame de Boulogne stationne à Réaumur le 7 novembre 1943

Notre-Dame de Boulogne stationne à Réaumur le 7 novembre 1943

Notre-Dame de Boulogne ou Notre-Dame du Bon Retour sont les vocables retenus pour la Vierge Marie dont une apparition aux abords de Boulogne sur Mer au Moyen Age engendra un pèlerinage catholique qui existe encore aujourd’hui.

L’apparition de ND de Boulogne:

En l’an 636, alors que Boulogne faisait partie du royaume des Francs de Dagobert, les habitants furent témoins de l’accostage d’une barque, poussée par des anges, en laquelle se tenait debout une statue de bois de la Vierge Marie. Cette dernière tenait l’ Enfant Jésus sur son bras gauche. Autour d’elle, émanait un halo de paix et de lumière. Devant l’étonnement de l’attroupement, la voix de la sainte résonna et dit, avant que la manifestation ne cesse:

« Je suis l’avocate des pêcheurs, la source de grâce, la fontaine de piété qui souhaite qu’une lumière divine sur vous et votre ville . Mes amis faites, en mon nom, édifier une église ».

De cet événement relaté dans les manuscrits de la fin du Moyen Age, se développa un pèlerinage animé par la piété et la ferveur populaire…

Du 28 mars 1943 au 29 août 1948, quatre reproductions de la statue nautonière (sur un bateau) de Notre-Dame de Boulogne (moulées en 1939 et fixées sur un char à quatre roues) sillonnèrent la France. A la signification spirituelle du « Grand retour »de la Vierge à son port d’attache (de Lourdes à Boulogne sur Mer) et du retour à la foi, les Français associèrent une signification plus profane du retour de la paix et des prisonniers et des déportés. L’accueil de cette statue occasionna des manifestations grandioses: arcs de triomphes, multiples décorations et mobilise des foules, pieds nus parfois, priant et chantant.

 

Que N-D. de Boulogne, quittant Lourdes en 1943 soit, au bout de 5 ans, revenue à son point de départ, laisse supposer une sorte de préhistoire. Effectivement on ne saurait comprendre le Grand Retour sans en évoquer le préalable.

En 1938, Boulogne allait accueillir le IVe congrès marial national. Pour y sensibiliser les populations de l’Artois et du Boulonnais, deux prêtres diocésains, Lucien Leprince et François Cartel, imaginèrent progressivement ce qu’on baptisa la Voie Ardente: conjointement des cierges contenant des parcelles de la « Sainte Chandelle des Ardents » et des reproductions moulées de la statue nautonière de N-D. de Boulogne iraient parcourir le vaste diocèse d’Arras pour réchauffer la piété du peuple. Du 8 mai, date du départ de la cathédrale d’Arras, au 17 juillet, date de la montée à Boulogne, trois voies différentes sillonnèrent le diocèse, soit 2 500 km, avec 293 étapes. Le succès dépassa tellement les espoirs, qu’à son tour, le diocèse de Lille voulut bénéficier de cette manifestation. A partir du 25 juin, une quatrième statue va parcourir la région lilloise et les Flandres: au terme de 173 étapes, cette statue rejoignait les trois autres à Boulogne, le 19 juillet, pour le congrès marial national.

Une fois clos le congrès, l’idée surgit d’une voie mariale plus modeste qui, à travers d’une partie de la France, gagnerait Le Puy où devait se tenir, en 1942, le prochain congrès marial national. En septembre 1938, Gabriel Ranson, jésuite de Lille, aidé de quelques jeunes, visite, avec la quatrième  statue 9 paroisses de la Somme. Passe la mauvaise saison. Au printemps 1939, la même statue parcourt les champs de batailles de 1914-1918: après 72 stations, elle arrive à Reims pour la Pentecôte. Bientôt se sera la Guerre, puis la bataille de 1940. La Madone est remisée chez les Trappistines d’Igny dans la Marne, en attendant des jours meilleurs. En 1942, la situation empêche la tenue du congrès marial prévu au Puy: on lui substitue dans cette ville, le 15 août, un rassemblement de plus de 80 000 routiers et autres jeunes; à ceux-ci on avait demandé d’apporter une Madone très vénérée dans leur province  et de faire à pieds les 40 derniers kilomètres. Belle occasion pour relancer la pérégrination de N-D. de Boulogne. Celle-ci, partie du diocèse de Nancy le 22 juin, traverse la Champagne, la Boulogne, l’Auvergne. Mais un obstacle se présente, la ligne de démarcation: la statue la franchit dissimulée dans un camion de légumes. Une fois terminé le rassemblement, les autres Madones rejoignent leur province d’origine, mais l’évêque du Puy suggère que N.D. De Boulogne continue jusqu’à Lourdes.

                      « Pas  d’équipe. Pas  d’itinéraire  établi… On part avec quelques compagnons

                      de  Saint-François, un  peu gavroche… Le cortège improvisé traverse Mende,

                      Rodez,  Albi,  Toulouse… Le  7  septembre  1942, Notre-Dame  de  Boulogne

                      arrive, après un voyage fait de pièces et de morceaux, sur les bords du Gave…

                      Était-ce la fin? »

 

Le 28 mars 1943, les évêques français ratifient, chacun dans leur diocèse, la consécration de l’humanité au Coeur Immaculé de Marie, prononcé par Pie XII, le 8 décembre précédent… Le Grand retour naît officiellement le dimanche 28 mars…

Le 28 mai, une seconde reproduction de N-D. de Boulogne prenait le départ dans le diocèse d’Albi. Il faudra attendre encore deux mois pour que le recteur de la basilique boulonnaise et les religieuses de Presly dans le Cher acceptent de céder les 3e et 4e statues de 1938. Au début d’août, grâce à l’intuition toulousaine de la mi-avril, quatre voies simultanées vont continuer jusqu’en 1948.

 

Au point de départ, à la fin de mars 1943, le Grand retour se composait seulement, semble-t-il, de  trois éléments: une journée de marche durant laquelle, en priant et chantant, on tirait la remorque portant la statue; à l’étape, une veillée de prière dans l’église, peut-être même dehors; une messe le lendemain matin avant de reprendre la route. A la messe ou plutôt à la veillée, la lecture commune , à haute voix, du texte de la consécration composé par Pie XII. L’évènement était encadré par un Père jésuite et deux « routiers », souvent novices jésuites. Très vite, des jeunes appartenant à un mouvement d’action catholique, prirent en charge la traction du « char de la Vierge ».

 

Les rues que devait emprunter le circuit étaient pavoisées de drapeaux, d’oriflammes, de guirlandes de tentures par les habitants, tandis que les gens se pressaient sur les trottoirs, soit dans le cortège même. Avant l’arrivée du Grand retour, la paroisse s’y prépare depuis plusieurs semaines, le curé en parle en chaire, au catéchisme; en famille, on raconte les succès étonnants obtenus par la statue, à 20 ou 40 kilomètres de là. Les femmes et quelques hommes aussi préparent les guirlandes et même un arc de triomphe pour la rue ou doit passer le cortège: on soigne particulièrement la décoration de l’église. Pendant les trois jours précédents, le curé, ou un prêtre voisin, prêche, le soir, l’histoire merveilleuse de N-D. de Boulogne, fait prier comme on avait plus guère l’habitude de le faire.

 

Arrive le jour. On part en groupes à la rencontre de la statue. A un moment on entend des Avé récités par la paroisse précédente; bientôt on aperçoit la blanche silhouette qui sur sa remorque, atteint deux mètres de haut. A la jonction des deux paroisses, un missionnaire, monté sur l’avant du char, fait chanter le Salve Régina à genoux, et bénit les participants avec le grand Christ. « Dès ce moment commence l’emprise de la démarche de pénitence qui doit régner jusqu’au lendemain matin ». Un homme prend la tête du cortège, portant la croix du Grand Retour, à la suite, la foule grossit à mesure qu’on s’approche de la localité. En approchant de l’église, la procession passe entre les maisons presque toutes décorées. Un arrêt au monument aux morts que la municipalité a fait orner de drapeaux tricolores: on y prie pour les prisonniers.  A la porte de l’église, six hommes soulèvent la statue de son char et vont la déposer sur une estrade fleurie à l’entrée du choeur. Un missionnaire explique alors le sens véritable du Grand Retour. Puis commence une garde d’honneur formée de jeunes et moins jeunes. Pendant ce temps, plusieurs prêtres confessent, tandis que les missionnaires vont se restaurer au presbytère. A 21 h 00, débute la veillée mariale. Un prédicateur dirige la prière, faisant alterner les dizaines de chapelet, les cantiques, les invocations: pour la paix, pour les prisonniers, pour la France… A minuit, commence la messe. Au moment de la communion, les assistants lisent à haute voix le texte de la consécration à Marie sur le feuillet distribué et le signent: ils viendront le déposer dans la barque, soit au moment de la communion, soit après la messe, y joignant leur offrande ou un simple billet intime, du genre: »Sainte-Vierge, rendez-moi mon papa ». Après la messe, les deux missionnaires vont enfin dormir. Mais la garde continue toute la nuit. A 8h, nouvelle messe avec quelques communions supplémentaires. Puis c’est l’adieu. Un cortège, plus nombreux que la veille, escorte la madone jusqu’aux limites de la commune où la statue est prise en charge par une autre paroisse.

 La maison Suaud, au carrefour, décorée pour la circonstance. 

 

Les paroissiens se rendent à l’église pour assister aux cérémonies.

    La Vierge de Boulogne quitte l’église Saint-Pierre de Réaumur 

Au Pont-Auger, la paroisse de Montournais prend le relai.

Billet déposé lors du passage de la Vierge de Boulogne.

 

D’après des textes des annales de Bretagne (Wikipédia) et photos de Jean Suaud de Réaumur.